mardi 3 novembre 2009

La grève générale

La grève générale. On en entend beaucoup parler ces temps ci et plusieurs organisations et syndicats appellent à une grève interprofessionnelle et reconductible. Mais quelle est donc cette bête curieuse ? Cette chimère insaisissable ? Est-ce seulement un mythe sensé fédérer ou un réel moyen d’action directe ?




Tout d’abord une petite précision : une grève générale ne dure pas 24 heures. Ce genre de mobilisation n’est bien souvent qu’un moyen pour les syndicats réformistes de renforcer leur image combative. Qu’elle soit présentée comme suffisante pour faire reculer un gouvernement (la grève est souvent une riposte), ou bien comme une préparation à un mouvement de plus grande ampleur s’inscrivant dans la durée, la grève générale au sens où elle doit s’entendre est un moyen de déclencher un mouvement révolutionnaire. On peut donc douter de l’efficacité d’une grève de 24 heures. Je citerai cependant Bakounine : « Lorsque les grèves s’étendent, se communiquent de proche en proche, c’est qu’elles sont bien près de devenir une grève générale ; et une grève générale, avec les idées d’affranchissement qui règnent aujourd’hui dans le prolétariat, ne peut aboutir qu’à un grand cataclys­me qui ferait faire peau neuve à la société. Nous n’en sommes pas encore là sans doute, mais tout nous y conduit. » On remarquera que cette citation est sans doute à nuancer concernant les « idées d’affranchissement » sensées régner au sein du prolétariat, tout au plus peut on parler de grogne...

L’idée de grève générale et le mythe qui l’accompagne sont nés au dix-neuvième siècle, au sein des mouvements ouvriers, communistes autoritaires et libertaires, elle fut lancée la première fois au Congrès de l’Internationale de 1868. Les grèves furent durant cette période l’occasion pour la classe ouvrière de prendre conscience de sa force et de son pouvoir. On disait alors qu’une grève générale d’un mois suivie par tous suffirait à faire tomber le capitalisme. Raillée rapidement par Marx et Engels, la grève générale comme action révolutionnaire sera ensuite réintégrée au dogme communiste sous l’influence de Trotsky. Elle est par contre toujours restée une composante de la pensée anarchiste.

Quand à l’utilité de la grève on peut encore citer Bakounine : « Et la grève, c’est le commencement de la guerre sociale du proléta­riat contre la bourgeoisie, encore dans les limites de la légalité. Les grèves sont une voie précieuse sous ce double rapport que d’abord elles électrisent les masses, retrempent leur énergie mentale et réveillent en leur sein le sentiment de l’antagonisme profond qui existe entre leurs intérêts et ceux de la bourgeoisie, en leur montrant toujours davantage l’abîme qui les sépare désormais irrévocablement de cette classe ; et qu’ensuite elles contribuent immensément à provoquer et à constituer entre les travailleurs de tous les métiers, de toutes les localités et de tous les pays, la conscience et le fait même de la solidarité : double action, l’une négative, l’autre positive, qui tend à constituer directement le nouveau monde du prolétariat, en l’opposant d’une manière quasi absolue au monde bourgeois. » Composante essentielle de la lutte des classes, la grève reste bien encore aujourd’hui ce moyen de fédérer les travailleurs. On a pu le constater et on le constatera encore.

Concernant son utilité concrète on peut dire que la grève est également un moyen d’arracher des acquis sociaux aux exploiteurs. Mais que peut-on attendre d’un mouvement de grève généralisé et sans limite dans le temps ?

Le renversement de l’ordre établi et l’instauration d’une société organisée sur de nouvelles bases (libertaires espérons le...).

Pour qu’une nouvelle société éclose et que le grand soir ne soit pas sans lendemain, se pose alors la question de la préparation de cette grève. Cette question fit également débat entre les différents penseurs de l’époque et continue d’être polémique. A ce sujet on peut déjà simplement avancer que les outils d’organisation des travailleurs devront être préexistant à l’action de grève, le support de la fédération paraissant le plus approprié. Ainsi, pendant et après le mouvement, les individus pourront s’organiser et travailler (mais pour eux ou pour la lutte et non pour un patron) en imprimant des tracts, en entretenant les moyens de communication nécessaires, en produisant ce qui manque au mouvement révolutionnaire.

Il convient de préciser ici qu’une grève doit permettre la réappropriation par le peuple des usines, des hôpitaux, des écoles, des salles de concert, des transports... Non une grève n’est pas juste une journée chômée durant laquelle on crie quelques slogans sur le pouvoir d’achat !

Un autre axe important de la préparation à la grève générale reste évidemment la propagande, la diffusion des idées et l’incitation à la pratique concrète de l’autogestion.

Pour conclure, il me semble indispensable de rappeler que si la grève générale expropriatrice peut en effet constituer un pivot, une rupture dans la démarche révolutionnaire (qui se construit au jour le jour, faut-il le rappeler !), elle ne me semble pas suffisante. Car à moins que les exploiteurs mettent au placard leurs privilèges et rappellent leurs chiens (police, publicité, code civil, mass médias...), l’insurrection sera inévitable pour mener à bien cette étape de la révolution (qui ne s’arrête pas là pour autant..). La question de la grève générale comme toute question en appelle alors une autre : celle de la violence et de l’étape insurrectionnelle...

Gardez les yeux ouverts et les poings serrés !

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