Le ministre de l’Intérieur a annoncé dernièrement que tout serait fait pour éradiquer « le fléau de la drogue qui irrigue la délinquance ». Le gouvernement a lancer sa campagne « Les drogues, si c’est illégal, ce n’est pas par hasard ». Les médias se font l’écho de la guerre que l’état Français mène aux drogues. Saisies de cannabis, d’héroïne, de cocaïne,.. se succèdent, au grand bonheur des politicards moralistes. Les débats sur les drogues ne se font qu’en méprisants les usagers, avec l’esprit manichéen que notre éducation judéo-chrétienne entretient : « les drogues, c’est mal ! ». Mais cette position permet-elle de débattre intelligemment sur ce sujet si épineux ? Est-ce que poser ce préambule ne revient pas à bâillonner les premiers concernés ? Parce qu’on le sait bien, les « drogués » auraient leur jugement faussé par leur(s) consommation(s). La dépendance leur enlèverait toute possibilité de réfléchir à leur(s) usage(s).
Quelques chiffres
Des drogues définies comme dures (à cause de leur toxicité et à la dépendance qu’elles peuvent créer) sont en ventes libres : alcool (plus de 30 000 décès en 2000) et tabac (plus de 60 000 décès en 2000) par exemple. Comparés aux plus de 30 décès de surdose aux opiacés (héroïne entre autres) en 2005, aux 7 cas de décès par cocaïne la même année, avec la quasi impossibilité d’overdose de cannabis, ces chiffres font réfléchir. C’est « deux poids deux mesures », avec d’un côté une croisade morale montrant l’usager de drogues comme un danger, un irresponsable, un parasite et de l’autre des campagnes de prévention, des labels, des taxes, du fric et une complaisance avec l’industrie du tabac (1).
Parlons également des médicaments psychotropes, présentés à leurs débuts comme les remèdes miracles des « maladies mentales » : 11 % des Français sont des consommateurs « réguliers » (au moins une fois par semaine et depuis au moins six mois - autant dire dépendants)(2). Les derniers chiffres montrent aussi l’inégalité de consommation entre les hommes et les femmes, ces dernières étant plus touchées par l’usage régulier(1). Peut-être que les médicaments, rapportant beaucoup aux industries pharmaceutique, poussent les politiques à mettre la tête dans le sable ? En tout cas, aucun « plan de sauvegarde » n’existe pour ces personnes dépendent à la fois à un produit, au corps médical (environ 20 % des prescriptions ne reposent sur aucun diagnostic psychiatrique étayé) mais également aux prix du marché (fixé par les très libéraux groupes pharmaceutique)(2).
Toxicité et dépendance
Mais finalement, de quoi parle-t-on ? De toxicité, puisque la « santé publique » est invoquée par les politiques. L’index thérapeutique, qui est la mesure de la toxicité aiguë d’un médicament, est le rapport entre la dose qui tue 50 % des sujets et la dose qui est efficace dans 50 % des cas. Plus cet index est élevé, meilleur est le profil de sécurité du médicament. Or, pour la famille des tryptamines, dans laquelle nous trouvons la DMT, le LSD, la psilocybine (champignons hallucinogènes), l’ibogaïne,... il est au-dessus de 600 ; ces substances ont donc peu de risques létaux si on les compare à d’autres comme l’aspirine (index à 199), ou à la nicotine (index à 21).
Ainsi donc, le LSD et les champignons hallucinogène font parti des stupéfiants illégaux, alors que leur toxicité est bien moindre que la nicotine.
Pourtant la psychose est tellement bien entretenu que même les pays faisant modèles en termes de politique progressiste sont forcés de revenir en arrière. Par exemple, le suicide d’une jeune femme aux Pays-Bas, sous la pression des organisations politiques réactionnaires, pousse l’état à pénaliser la vente de champignons hallucinogènes. Sa consommation serait la cause de son suicide. L’alcool, lui, source de dérèglements psychologiques et sûrement de bien des suicides, ne subi pas le même sort. Peut-être que l’économie qu’engendre la vente d’alcool est plus bénéfique que les champignons (pouvant être cultivé facilement, la production de champi est bien plus facile que la production d’alcool) ? De plus, bien des PDL (produits PsychéDéLiques - LSD, MDMA, Kétamine, Mezcaline,...) ont fait l’objet d’études scientifiques qui ont prouvé leur quasi absence de toxicité et même leur grand intérêt dans le traitement de divers pathologies : kétamine et LSD pour l’alcoolisme et les toxicomanies, la MDMA (ecstasy) pour le traitement des phobies, des troubles obsessionnel compulsif ou encore du Syndrome de stress posttraumatique.
La dépendance est également un argument avancé par les chasseurs de sorcières. Elle vous enlèverait tout libre arbitre, donc la possibilité d’avoir une vie sociale « normale » et « insérée ». Non seulement c’est faux - certaines drogues, comme la cocaïne, même si cela commence à changer, sont principalement consommées dans les couches sociales aisées et n’entraînent pas de « marginalisation » - mais surtout l’interdiction liée à cette dépendance est hypocrite. Une étude du CNRS de bordeaux(3) démontre la dépendance supérieur du sucre sur la cocaïne. Une autre étude, celle-là américaine(4), démontre les causes de l’excès de consommation de sucre dans le monde. Les chiffres sont comparables aux décès annuels du tabac, à l’excès de cholestérol, au surpoids et à l’obésité. Le sucre est donc autant addictif que la cocaïne et aussi nocif que le tabac. Est-il interdit ? Condamne-t-on les accros au sucre comme les cocaïnomanes ?
A travers l’histoire
Les produits psychoactifs (tels qu’on devrait les nommer, et non « drogues ») ont des histoires complexes et non linéaires. Ils ont toujours été consommés à travers les siècles, dans toutes les cultures, sous différentes formes. Dans la Grêce Antique, Homère, dans l’Odysée, parle d’un étrange breuvage probablement à base d’opium, le Nepenthes, boisson procurant l’oubli des chagrins.
L’histoire montre que ce sont toujours des pouvoirs centraux (états, empires, religions) qui ont prohibé et criminalisé les psychoactifs et leurs usages, non la culture ou la population. Les premières religions monothéistes ne pouvaient accepter de rites païens, où les pratiquants consommaient des produits psychoactif, produits censés aider à avoir des « connections avec Dieu ». La « connaissance divine » ne pouvait se retrouver dans les mains de n’importe-qu’elle personne : en 1484 le pape interdit la consommation de cannabis et lors de la conquête espagnol, en 1720, le cactus peyotl est interdit au Mexique. Enfin, lorsque la nation naît, et avec lui ses responsabilités comme la notion de « salubrité publique », il intervient et pénalise. Au 13e siècle, l’émir d’Égypte tente d’interdire la consommation de cannabis, dont il juge les conséquences pour le pays désastreuses. En 1729, l’empereur de Chine interdit les importations d’opium pour les mêmes raisons.
Ensuite, l’industrie, le commerce mondial et la pharmacologie se développent, ce qui permet une diffusion et une création inégalées. L’héroïne est synthétisé en 1874, la cocaïne (extraite de la feuille de coca) est développée entre 1855 et 1860, la mescaline synthétisée en 1894, l’amphétamine en 1887,... Ces substances ont toujours été développées à partir d’éléments se trouvant dans la nature, consommées dans leurs formes originales (feuille de coca, graine de pavot, cactus, champignons,...) et la plupart du temps déjà interdites par les pouvoirs religieux. Face à cette situation, où les substances sont faciles d’accès, non prohibées, développées commercialement (fin du 19e siècle, l’héroïne était vendu librement en pharmacie), l’état a trié, classifié et puni. S’est développé par la suite la séparation entre les drogues licites et illicites.
Débats faussés
Deux raisons morales sont la source de l’interdiction des psychoactifs dans l’histoire. D’abord l’interdit religieux. Tout comme la connaissance et le savoir était entre les mains de l’organisation religieuse (lecture, écriture,...), les moyens utilisés depuis des siècles pour se trouver dans des états de conscience modifiée (ecm) - et donc en possible connexion avec le « divin » - ne devaient pas être en possession des « incultes », des « ignares » et de la populace. Les religions monothéistes ont aussi besoin de cohésion pour affirmer leur puissance : elles ne tolérerons pas des rituels et des pratiques spirituelles différentes à travers le monde. La deuxième raison est la santé, la salubrité, l’hygiène publique. La mondialisation du à l’industrialisation et à la colonisation a emmêlé les cultures de consommation psychoactive : l’alcool s’est retrouvé chez les indiens d’Amérique et l’opium d’Asie en Europe. Cette acculturation des produits psychoactifs a engendré des mésusages, des abus, des ravages sociaux et a eu pour conséquence une répression pénale, sanitaire et culturelle sur les usagers encore plus forte.
Mais aujourd’hui, alors que d’autres produits sont arrivés (ecstasy, LSD,...), que la recherche a avancé, qu’il est impossible de remonter dans le temps, les concepts de toxicité et de dépendance sont de mauvais arguments justifiant des politiques réactionnaires et intolérantes. Ce ne sont que des arguments simplistes, faciles à balancer au JT de TF1 - les faits divers aidant également l’état à renforcer ces lois sécuritaires, à augmenter les bons chiffres du ministère de l’intérieur. Il est impossible d’interdire un produit consommable pour la seule raison de sa « toxicité ». Nous arriverions à une situation absurde d’interdiction du sucre, de l’alcool et du tabac ... . Il est aussi impossible d’interdire un produit en raison de son pouvoir addictif, ou alors il faut interdire encore plus de chose. Pour l’état, c’est possible, et même plus, puisqu’il fait preuve d’ingérence dans nos vies privées en pénalisant la simple consommation. Et ce n’est pas en interdisant que l’on règle les problèmes d’addictions les plus durs, partant du principe que l’addiction et la consommation de drogue ont toujours fait parti des sociétés humaines.
En réalité, l’état ne cherche pas à régler le « problème de la drogue ». Ce « problème » est le même dans sa bouche que celui de « l’immigration »: faire peur pour avoir une population docile, pouvoir faire passer régulièrement un arsenal pénal toujours plus dur, pour contrôler et diriger la société. Pourquoi donc les médicaments psychoactifs sont-ils légaux, alors qu’ils sont souvent plus dangereux que certains produits interdits et illégaux ? La camisole sociale chimique est un bon outil de contrôle, au même titre que la police ou la prison. On endort la population. Et cela rapporte tant de fric... Pour ceux qui veulent sortir des sentiers battus (et se réveiller ?), qui veulent explorer les potentialités des champignons, de l’iboga ou du cactus, c’est l’interdiction, la difficulté à le faire dans de bonnes conditions, avec de bons produits, une sécurité maximal. C’est le manque d’information, la peur de la police et de la sanction, la notion d’interdit toujours propice à être dépassée,... Et pour les derniers, accros, ce sera le jugement, la criminalisation, le manque de moyens pour la prévention ou la réduction des risques,...
La « drogue » n’existe pas. C’est une conception moderne d’un fait millénaire.
Aujourd’hui, la répression s’appuie sur de faux arguments. Il faut rétablir la balance et proclamer haut et forrt : que chaque consommation de produit est particulière, que toute consommation n’engendre pas de dépendance, que certains produits n’en créent pas et ne sont pas toxiques. Certains rendent dépendant et l’interdiction n’en réduit pas l’usage. Un produit n’est pas par nature une « drogue » mais peut le devenir de par son usage.
« la loi du 31 décembre 1970 régit entre autres le statut des stupéfiants en France. Cette loi est issue d’une opinion publique qui, à la suite de mai 1968, pensait qu’il fallait protéger les jeunes du risque de drogues afin qu’ils ne deviennent ni hippies ni marginaux. Un des aspects totalement dépassé de cette loi est la pénamisation de l’usage. Il s’agit d’un saut qualitatif énorme. Par cette loi, on interdit à quiconque, même dans le cadre privé, même s’il ne porte atteinte à personne, d’user d’un produit au prétexte qu’il serait illicite. C’est une atteinte à la vie privé, une atteinte à l’un des droits de l’homme les plus élémentaires, celui de disposer comme il l’entend de son corps et de son esprit. » - Le psychiatre Michel Hautefeuille - Drogues à la carte.
1) Chiffres de l’Observatoire français des drogues et toxicomanies
2) Observatoire national des prescriptions et consommations des médicaments - 1997
3) Un travail collectif (University Bordeaux 2, Université Bordeaux 1, CNRS, UMR 5227) sous la direction de Serge Ahmed dans l’équipe « Neuropsychopharmacologie de l’addiction » de Martine Cador et l’unité Cnrs 5227 « Mouvement - Adaptation - Cognition » de Jean René Cazalets a conduit à travers une longue série d’expériences réalisées au laboratoire par les chercheurs Magalie Lenoir, Fushia Serre (AI) et Lauriane Cantin à la publication scientifique très remarquée au mois d’août dans PloS One, « Intense Sweetness Surpasses Cocaine Reward », conclusion assez étonnante il faut le dire, où il a été découvert et démontré chez le rat que le sucre à haute dose (naturel ou synthétique) a un potentiel addictif plus élevé que la cocaïne.
4) Une étude de la Harvard School of Public Health (États-Unis) publiée en novembre 2006 dans la revue scientifique britannique de référence The Lancet a conclu que l’excès de glucose dans le sang est la cause de plus de trois millions de décès par an dans le monde, dont 960 000 directement à cause du diabète et 2,2 millions en raison de troubles cardiovasculaires (1,5 million de décès par infarctus du myocarde (soit 21 % du total des infarctus) et 709 000 décès dûs à un accident vasculaire cérébral (13 % du total des décès par AVC)). Les journalistes soulignent que « Ces chiffres sont comparables aux décès annuels dus au tabac (4,8 millions de morts), à l’excès de cholestérol (3,9 millions) et au surpoids et à l’obésité (2,4 millions) ».
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